L'Un et les Dragons Pères

[size=18px]L’Un et les Dragons Pères.[/size]

Il y a bien longtemps de cela, tandis que le peuple draconique était encore fier, les dragons jouissaient d’une société que peu connaissaient, mais que même les divinités avaient appris à respecter.

Bien que rares et peu nombreux, ils vivaient éparpillés sur Arkalym et n’avaient presque aucun contact les uns avec les autres. Ils avaient depuis des siècles mis de côté l’intention de tout échange avec le monde des hommes. Les terres civilisées ne les intéressaient pas, pas plus que les basses querelles faites au nom de quelques dieux lointains qu’ils respectaient sans pour autant les vénérer. Cette société était basée sur le principe d’un équilibre intelligent qui faisait preuve d’une grande sagesse. Cet équilibre était incarné par trois dragons dont le rôle était de veiller sur leurs semblables, on les appelait les Dragons Pères, garants de l’Equilibre d’Arkalym, un symbole désormais mort depuis la chute du Cuivré.

Kârn le Noir, Rôrnurk le Cuivré et Göarnûr le Doré sont de loin les trois dragons qui ont atteint l’âge le plus avancé de tous, ils sont aussi sans conteste les plus puissants de leur lignée. Leur âge est estimé aux alentours des 4600 ans. On considère parfois, selon les points de vues, que la société draconique ne prit forme réellement qu’à l’apparition des Dragons Pères. Mais en réalité, les premières traces draconiques d’Arkalym remontent au bas mot à pas moins de 28000 ans. On imagine les dragons d’alors moins puissants, moins organisés, des créatures plus proches de l’image globale et vulgaire que l’on a d’eux que de celle du peuple paisible et cultivé qu’ils furent avant le passage de L’Un il y a moins d’un siècle.

Certains spécialistes affirment qu’aux alentours de l’an –24000 d’Arkalym, lors de l’ère de Genèse, les dragons subirent un fort bouleversement qui remit en cause le fondement même de leur espèce. Les dragons se seraient alors divisés en trois grandes lignées dont nous connaissons à ce jour les derniers représentants. Ainsi, on parle de la lignée des Dragons Pères, celle d’Amarth qui a elle seule remet en question tout ce que l’on pense savoir sur les dragons, et celle des Déshérités à laquelle on accorde de sombres têtes, telle que celle d’Inferno. Les derniers sont en réalités des parias du peuple draconique ou des traîtres, généralement associés à un comportement destructeur primaire et considérés par tous comme des menaces.

Le plus intelligent des trois était bon. Le plus sage était neutre, et le dernier, de loin le plus puissant, était maléfique. Leur règne ne concernait qu’un microcosme très particulier dont les dieux d’alors n’avaient que faire. Ils étaient en paix et vivaient tranquillement en harmonie avec les panthéons divins, loin du regard des mortels. A cette époque, les peuples d’Arkalym étaient pour la plupart convaincus qu’il n’y avait qu’un seul et unique représentant de cette caste. Mais Inferno, l’effrayante monture du dieu Thanos n’était plus considéré comme membre de la communauté draconique depuis l’instant où il fit le choix d’afficher au grand jour son pacte. Ce traître était connu, banni des siens qui avaient su rester dans le silence et le secret.

Lorsque L’Un s’éveilla sur Arkalym sous le titre d’Immortel, il prit bien vite conscience de l’existence de ce peuple dont la puissance n’était plus à prouver. Il tenta à de nombreuses reprises de le rallier à sa cause mais sans jamais y parvenir. Ces échecs diplomatiques agacèrent L’Un qui décida d’en finir autrement. Dès lors qu’il installa son panthéon sur Arkalym, les véritables problèmes commencèrent pour les dragons. L’Un était devenu assez peu enclin au partage du pouvoir. Il fit comprendre aux trois Dragons Pères qu’ils devaient, comme les dieux, se plier à sa volonté ou quitter le plan. Dans leur infinie arrogance, les dragons le défièrent et se déclarèrent ennemis des homme-dieux.

L’histoire ne raconte pas ce chapitre. La légende, elle, pourrait peut-être raconter qu’une terrible guerre ravagea alors les deux camps… Mais il n’en fut rien. L’Un mit fin très rapidement à la contestation et imposa aux Dragons Pères une accablante malédiction tandis qu’il faisait exterminer la grande majorité du peuple draconique. Ces puissants dragons ancestraux devinrent de simples dragonnets éternellement jeunes, dépourvus de leur puissance et de leur crédibilité. De ridicules lézards inoffensifs devenus bien incapables de faire honneur à leur titre. Les Dragons Pères étaient craints et respectés de leur congénères, et lorsqu’ils furent soumis de la sorte à l’incontournable volonté de L’Un, c’est toute l’espèce draconique qui courba l’échine. En ces temps, L’Un a su garder un contrôle sur le peuple draconique et seuls les fameux Dragons d’Amarth que nul ne peut maîtriser ne répondirent jamais à ses appels.
Lorsque L’Un mourut peut de temps après, détrôné par Fel L’Ignoble, nombreux sont ceux qui s’attendaient à devoir faire face à la colère des dragons. Mais au contraire, ces derniers ne montrèrent aucun signe de vie, tant et si bien qu’ils furent oubliés depuis de la plupart des homme-dieux.

Certaines personnes racontent que L’Un, arrogant et tout puissant, aurait décidé par caprice de créer une race de dragons à son image. Ces mêmes personnes murmurent en certains endroits que ces dragons seraient actuellement dispersés dans tout Arkalym, qu’ils n’existeraient pour le moment que sous la forme terrifiante et inquiétante de gigantesques statues de pierre. Nul n’a jamais réussi à déterminer l’origine de cette pierre sombre que l’on ne trouve dans aucune mine d’Arkalym ni même l’origine de cette légende, mais on raconte que les Dragons de L’Un seraient en ce moment même prisonniers des couloirs du temps.

Lorsque les Dragons Pères furent libérés de leur malédiction par les manigances et la générosité de quelques mortels il y a de cela six ans, l’Un comprit que les tensions allaient refaire surface. Le premier à en payer le prix fut Symbal qui demeura captif durant de longues années et qui est aujourd’hui mort, exécuté froidement de la main de Père le Noir alors bien déterminé à creuser le fossé déjà très présent entre le panthéon de l’Un et eux.
Père le Cuivré a toujours joué le rôle de garde-fou quant à ses frères. Sa mort, en plus de détruire leur union et le symbole qu’elle représentait, sépare à jamais les deux frères restants, capables désormais du meilleur comme du pire.
Göarnûr le Doré quant à lui a toujours fait preuve de recule par rapport au discours vindicatif de ses deux frères, partagé entre sa colère contre L’Un et son respect pour les mortels qui, pense-t-il à juste titre, auraient bien du mal à survivre à une guerre entre de telles puissances.