Quartier de Auburn

La première chose dont parlent les gens qui arrivent à Auburn, c’est le bourdonnement. Ce son, comme le célèbre Bourdonnement de Taos, semble provenir de toutes les directions à la fois ; une vibration à basse fréquence qui ne peut qu’être le résultat des 363 kilomètres carrés de machines industrielles tournant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les gens qui vivent ici font avec, parce que c’est ce qu’ils sont : des survivants. Ils sont les esclaves en cols bleus qui maintiennent les rouages du Seattle en mouvement. Cette mentalité a créé une communauté extrêmement refermée sur elle-même et qui préfère s’occuper de ses propres problèmes. Et ils ne manquent pas, avec notamment une guerre raciale en gestation et une famille mafieuse qui tente de garder la mainmise sur ses acquis.

Le côté positif, c’est que les prix de l’immobilier sont excellents, ce qui explique qu’un certain nombre d’entreprises de haute technologie aient choisi Auburn pour être la nouvelle Silicon Valley. Cette mutation de capitaux et d’attitudes a du mal à passer avec les résidents, ce qui mène à une ségrégation qui n’est pas sans rappeler l’antique séparation entre les pauvres et les nantis.

CLONE ZONE MALL

64th Street East & 160th Avenue East
Si vous êtes en quête de matériel électronique pour petits budgets, c’est bien l’endroit où vous rendre à Auburn. Les produits vendus sont presque aussi bien que ceux des grandes marques. Mais gardez à l’esprit que le Mall n’assure aucun service de sécurité, et que les services et autres garanties de beaucoup de marchandises ici ne sont pas du tout les mêmes que ceux que vous trouverez dans les produits de marque.

THE BARN BURNER

Griffin Avenue & Porter Street
Vous trouverez ici la meilleure cuisine du sud-ouest en dehors de la Nation sioux. Parmi les spécialités du Barn Burner, on compte les steaks, les pommes de terre à toutes les sauces, le maïs grillé, et plus encore. Les tarifs sont un peu élevés, car ils dépendant directement du cours de la viande de bœuf et de buffle, mais on en a pour son argent. Chaque jeudi, l’établissement propose un bal country avec un orchestre en live.

ENOMCLAW MONEYMAKER HOTEL

Mud Mountain Road & 252nd Avenue SE
Cet hôtel capsule appartient à la chaîne hôtelière locale Aston Moneymaker. Il n’offre aucune commodité particulière, mais ses tarifs très bas et le confort essentiel qu’il propose devraient convenir parfaitement aux voyageurs les plus fatigués. Cet établissement n’est pas adapté pour accueillir les familles.

MAGICIAN’S FEAST

Enchanted Parkway South & Twenty-eighth Avenue South
Un charmant restaurant familial, spécialisé en cuisine salish et américaine. Le Magician’s Feast est surtout réputé pour ses spectacles quotidiens d’illusions magiques, élaborés par des magiciens experts. 

MAX’S IRONWORKS

S 324th Street & Pacific Highway South
Posez ne serait-ce qu’un pied dans ce club de fitness d’Auburn, et vous aurez l’impression d’avoir été transporté dans un sim sur les clubs de boxe du passé. L’intérieur de cet entrepôt aménagé est dominé par le fameux ring de boxe, mais est également agrémenté d’altères, de tapis, de sacs de frappe et d’autres appareils d’entraînement. Aucune technologie informatisée et autres appareils de cardio ici (si vous souhaitez obtenir votre fréquence cardiaque, une piste circulaire et quelques cordes à sauter sont à votre disposition). L’accès à la salle coûte 10 ¥ à la journée, et propose aussi des entraînements au combat individuels et ponctuels. Vous pouvez y apprendre l’art délicat de la boxe ou simplement venir vous entraîner pour des tarifs bien moins élevés que ceux pratiqués dans des salles plus modernes.

WYNACO CORRECTIONAL FACILITY

Auburn Black Diamond Road & 148th Way SE
Wynaco est une prison fédérale des UCAS à sécurité maximale, même s’il y eut un temps ou cette dernière appellation n’était pas si méritée que cela. Les efforts fournis pour renforcer la détention des prisonniers par des moyens technologiques dernier cri se sont parfois révélés déficients. Le second Crash, par exemple, fut un véritable désastre pour Wynaco, qui a perdu tous ses systèmes de contrôle à distance. Les prisonniers se sont révoltés et certains ont pris la fuite, et plus d’une douzaine de gardes ou de membres du personnel ont trouvé la mort avant que tout cela ne soit terminé. Les UCAS ont donc upgradé les lieux, rajoutant pas mal de vieux trucs, se reposant beaucoup plus sur les systèmes de verrous mécaniques à clé, qui ont fait leur preuve. La nouvelle politique en vigueur à Wynaco est donc de se foutre littéralement de la sécurité des prisonniers, du moment que cela assure celle des gens qui les surveillent.

« Avec quoi voulez-vous vous arroser le gosier ? »
« Betts ! » hurlèrent les six hommes autour de la table, fort, trop fort même pour le Stuck’s Carnival. Devant son « tssss » de désapprobation, la moitié d’entre eux retirèrent sagement leurs bouchons d’oreilles. Karl, leur contremaître, haussa les épaules. « Désolé, Betsy. Encore une longue journée à la fonderie. Le bourdonnement n’a pas cessé.
- Eh bien, si vous voulez tous entrevoir ce que je cache sous ma jupe quand je reviens avec vos bières, essayez de rester un peu tranquilles. » Elle leva sa tablette et son stylo pour faire apparaître un menu RA. Ils commandèrent la bière locale –comme toujours – et Karl paya la première tournée. Il tapa sur le clavier et déploya le câble de son commlink.
« Parfois, j’ai l’impression que tu fais exprès de ne pas réparer ton commlink juste pour pouvoir te brancher directement sur mon port. »
- Allez, Betts, je dois encore le faire tenir deux semaines, sinon Bowman le retiendra sur ma paie.
- Ouais, garde ça pour d’autres !
- S’te plaît, je serai un parfait gentleman. » Elle souleva sa jupe, pour dévoiler une cuisse gourmande, autour de laquelle était fixé son commlink. Les hommes gloussèrent d’approbation. Karl brancha le câble directement sur son link, gardant ses mains bien sages.
« Pas mal, » remarqua Betsy. « Tu t’es rappelé de mon pourboire cette fois-ci ». Avec toujours autant de culot, elle s’éloigna en remuant des hanches, tout en ordonnant au plastique modulable de sa jupe cancan de se soulever un peu, pour laisser apparaître ses jambes gainées de résille. Karl et Nick – le seul ork de l’équipe – sifflèrent, mais le reste de la bande en était déjà à se moquer du numéro pyrotechnique qui ouvrait le spectacle, le qualifiant de truc de tafiole.

Betsy voguait autour de ses tables, ramassant les chopes vides, alors que son commlink l’informait que ses commandes avaient bien été reçues au bar. Mais, peu après qu’elle eut jeté les bouteilles vides dans le container des recyclages, une fenêtre apparut en pop-up. Un spam de A Whole New YouTM lui proposait «une nouvelle elle-même» remboursable en 89 mensualités seulement.
Sans même s’en rendre compte, elle activa une minuterie de 89 secondes.
« Hé, Nina, » lança-t-elle à une autre serveuse, non loin. « Tu peux me rendre un service et t’occuper de mes tables pour quelques minutes ? »
72 secondes
Betsy traversait déjà la cuisine quand Nina répondit : « Je veux bien, mais je suis à l’autre bout de la salle... »
55 secondes
« Super, merci ! Je te refile le statut de mes tables. » D’une main, en un geste rapide, elle transféra les données – accompagnées d’un paiement – alors que sa main libre attrapait son sac dans son casier.
37 secondes
« Betsy ! Tu m’as envoyé plus d’une semaine de pourboires, là ?! »
25 secondes
Alors qu’elle poussait la porte de service, elle lança un agent. « Mince ! Je vais retransférer le tout dans le bon compte. J’en ai pour une minute. »
12 secondes
Alors quelle remontait la ruelle, elle décrocha le Meta Link de sa cuisse, le programma pour qu’il clone l’apparence matricielle du Novatech Airware que contenait son sac à main, puis le reboota pour qu’il retrouve les paramètres d’usine. Elle le jeta dans une poubelle au coin de la rue.
5 secondes
Un van ralentit au bout de la rue et elle monta dedans sans précipitation. Au même moment, elle entendit un bus s’arrêter à l’autre extrémité de la ruelle.
Son compte à rebours clignota deux fois en atteignant zéro.

« Quoi ? Pourquoi je suis montée dans ce... ? » Alors que le van s’éloignait de la ruelle, elle se vit elle-même courir pour regagner la porte de service. Sa mâchoire tomba sous le coup de la surprise. Elle entendit les paroles du conducteur elfe.
« Mary, Mary, c’est le contraire. »
Son système neural s’interrompit, et le persona de Betsy disparut. Betsy s’en était allée, et Contrary Mary, ancienne bunkaru devenue shadowrunneuse, revint à elle.
« Bon sang, ça a été court. On a bien tout ce dont on a besoin ? »
L’autre passager du van manipulait avec précaution des fenêtres RA invisibles, contenant sans doute les données qu’elle venait juste de récupérer.
« Avec le commlink pété, ça n’a pas été facile, mais nous avons maintenant un inventaire complet du matériel produit pour l’usine Federated-Boeing d’Auburn. Nous détenons le nombre précis des pièces militaires qu’ils sortent. »
Alors que Contrary Mary retirait le déguisement en nanopâte, elle espéra secrètement que l’argent suffirait à retrouver son visage d’origine, depuis longtemps oublié.